Libertés :
Google classe et défie les gouvernements :
Alors que ses problèmes de censure avec les Chinois ont attiré l'attention sur le gouvernement communiste, Google veut rappeler au monde que la Chine n'est pas le seul pays à vouloir contrôler ce qui est visible sur Internet. Le moteur de recherche qui prône la transparence a mis en ligne une page spéciale qui permet aux internautes de voir le nombre des demandes de retrait de contenus envoyées par des organisations étatiques de tous les pays, et le nombre de demandes de communication de données privées.
Ces dernières concernent essentiellement des procédures pénales, où peuvent être exigées la communication d'éléments comme l'adresse IP permettant d'identifier un utilisateur des services de Google, ou de contenus spécifiques (un accès aux courriels hébergés sur Gmail par exemple). Mais la FAQ précise qu'il peut aussi occasionnellement s'agir de demandes relevant un caractère d'urgence, hors de tout cadre judiciaire, lorsqu'il faut par exemple venir en aide à une personne en danger immédiat.
Pour le moment, le service prend uniquement en compte les requêtes reçues entre le 1er juillet 2009 et le 31 décembre 2009. Il sera mis à jour en principe tous les six mois. Actuellement, la France fait partie des pays dont les organisations gouvernementales ont le moins demandé de retraits de contenus, avec moins de dix demandes enregistrées, dont un tiers n'a pas été satisfaite. Un chiffre qui pourrait exploser avec la possibilité ouverte à l'occasion de la loi sur les jeux en ligne de demander aux tribunaux le déréférencement de sites non homlogués par l'Etat. Les demandes de retrait peuvent concerner des résultats du moteur de recherche, ou des contenus hébergés par les services de Google (publicités AdWords, billets de blogs sur Blogger, des vidéos sur YouTube...). Le pays qui demande le plus de retraits de contenus est le Brésil, suivi de l'Allemagne, de l'Inde et des Etats-Unis.
En revanche, la France se classe cinquième dans les demandes d'accès à des données privées. 846 requêtes ont ainsi été enregistrées sur la période à la demande de la justice ou d'administrations françaises, sans qu'aucun détail ne soit pour le moment publié par Google. Là encore, le Brésil est le champion international avec 3663 demandes, suivi de près par les Etats-Unis. La Chine n'apparaît dans aucun des deux classements.
"Bien que nous ne puissions pas encore fournir plus de détails sur notre obéissance aux demandes de données d'utilisateurs de manière utile, nous avons l'intention de le faire à l'avenir", assure David Drummond, le directeur juridique de Google.
A l'occasion de la publication de cette carte, Google a aussi précisé sa politique de respect de la liberté d'expression sur Internet. En ce qui concerne le moteur de recherche, "nous ne souhaitons pas être associés à une censure politique", insiste Rachel Whetstone, vice-présidente aux affaires publiques de Google. "Nous ne supprimons pas globalement de contenus de la recherche sauf dans des circonstances limitées, telles que la pédopornographie, certains liens vers des contenus protégés par le droit d'auteur, du spam, des malwares, et des résultats qui contiennent des informations personnelles sensibles comme des numéros de cartes de crédit". Le moteur de recherche obéit aussi à certaines spécificités locales, comme l'interdiction en France ou en Allemagne d'afficher des contenus pro-nazis. Cependant à chaque fois qu'un contenu est retiré, un message (situé tout en bas des résultats de recherche) le précise, avec un lien explicatif.
Pour les contenus publics qu'il héberge sur ses services, Google s'autorise un certain niveau de censure auto-régulée, par exemple à l'encontre des "discours haîneux" sur Blogger ou des vidéos pornographiques sur YouTube. Là aussi certaines spécificités locales sont prises en compte. Google rappelle ainsi l'exemple de la Turquie, qui interdit toute vidéo se moquant du fondateur de la république Mustafa Kemal Atatürk. Il s'est plié régionalement à cette loi en bloquant l'accès aux vidéos concernées depuis la Turquie, mais il a refusé de supprimer ces vidéos pour le reste du blog. Ce qui lui a valu d'être bloqué en Turquie.
Extrait de "LEPOINT.FR"
Les États n'ont qu'à bien se tenir : Google vient de publier une carte des requêtes gouvernementales adressées à ses services. En clair, le géant du Web dévoile, sur un planisphère, le nombre de demandes d'accès aux données privées et le nombre de demandes de suppression de contenus qu'il a reçues de la part de chaque gouvernement, ou presque. Un document très instructif...
"Nous voulons augmenter la transparence", a expliqué Peter Fleischer, conseiller de Google pour les données personnelles, lors de la présentation de la page "Government Requests" au siège parisien. "Il y a deux chiffres publiés pour chaque pays : le nombre de demandes d'accès aux données personnelles d'utilisateurs et le nombre de demandes de suppression de contenus", a-t-il poursuivi. Pour séduire et rassurer ses utilisateurs, Google est prêt à envoyer un signal négatif aux gouvernements en exposant au grand jour leurs pratiques sécuritaires, bonnes ou mauvaises. Les gouvernements apprécieront, d'autant plus que Google reste dans la légalité : à aucun moment les enquêtes ne sont compromises, car seules des statistiques sont publiées. Contacté par lepoint.fr mercredi après-midi, le ministère de l'Intérieur n'a pas encore réagi.
Deux types de demandes
Les demandes d'accès aux informations personnelles sont envoyées par les autorités d'un pays pour identifier un internaute, ou pour enquêter sur ses activités. Grâce aux traces informatiques conservées sur ses serveurs, Google sait tout de ce qu'un utilisateur a fait au cours des 9 derniers mois : ses recherches Web, ses emails ou encore sa navigation, mais aussi ses lieux de connexion ou la configuration de son ordinateur. Ces données sont très précieuses dans les enquêtes de police, mais leur transmission est très encadrée dans les régimes démocratiques.
Les demandes de suppression de contenus concernent, quant à elles, les services d'hébergement de Google : vidéos sur YouTube, par exemple, mais aussi blogs sur Blogger ou photos sur Picasa. Les éléments publiés par les internautes peuvent parfois être illégaux et les autorités font alors une requête officielle pour leur suppression. Pour le géant du Web, toute demande de suppression de contenu par un État est de la censure. "J'utilise ce terme de façon neutre", précise immédiatement Peter Fleischer, rappelant que la censure "n'est pas forcément illégitime" : elle peut servir la loi.
Parfois, les demandes sont infondées et Google les rejette : le taux d'acceptation est, lui aussi, publié par le moteur de recherche, mais seulement en ce qui concerne les demandes de suppression de contenus. Pas un mot sur le taux d'acceptation des demandes de données personnelles.
La France est très curieuse, mais censure rarement
La comparaison entre les pays est intéressante, même si les statistiques publiées ne couvrent que le deuxième semestre 2009. Alors que la France est cinquième au classement des pays qui demandent le plus souvent des données personnelles (846 demandes), elle fait partie de ceux qui n'exigent que très rarement la suppression d'un contenu (moins de 10 requêtes, dont 66 % acceptées). À l'inverse, l'Allemagne (82 millions d'habitants, contre 64 millions en France) n'a demandé que 458 fois des données personnelles, mais a émis 188 requêtes pour suppression de contenus, dont 94 % ont été acceptées (la lutte contre l'apologie du nazisme est certainement à l'origine d'un grand nombre de ces cas, selon Google).
Le pays qui s'en sort le plus mal est incontestablement le Brésil, de loin le pire élève des deux classements. Mais le succès des services comme Orkut (le "Facebook" made in Google) pourrait être une explication logique : un plus grand nombre d'utilisateurs entraîne un plus grand nombre de requêtes. Interrogé par lepoint.fr sur l'absence de la Chine sur la carte, Google reste évasif : "Nous ne connaissons pas les chiffres, vraiment", explique Peter Fleischer. Mais le site Government Requests évoque une autre explication : "Les autorités chinoises considérant les demandes de censure comme des secrets d'État. Nous ne pouvons pas dévoiler ces informations pour le moment." Dommage.
LES CLASSEMENTS :
Demandes de données personnelles : Brésil (3.663), États-Unis (3.580), Grande-Bretagne (1.166), Inde (1.061), France (846), Italie (550), Allemagne (458).
Demandes de suppression de contenus : Brésil (291), Allemagne (188), Inde (142), États-Unis (123), Corée du Sud (64), Grande-Bretagne (59), Italie (57).
Classements complets sur www.google.com/governmentrequests/
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